DAJMA | Chapitre 60 – La Cité des Secrets
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Chapitre 60 – La Cité des Secrets

C’est facile de s’attaquer à une femme !

Muriel était exaspérée. Presque autant par les Dolf que par son ravisseur. Car si les Dolf n’existaient pas, il ne l’aurait pas enlevée. Elle était otage malgré elle d’une guerre souterraine, dont elle ne comprenait ni les tenants ni les aboutissants. La recherchait-on ? Connaissant sa famille par alliance, elle doutait même que la police eut été avertie. Et les liens distendus qu’elle entretenait avec sa famille originelle ne lui permettaient pas d’espérer que sa sœur aînée ou sa tante s’inquiètent avant un long moment. D’ici là, elle aurait le temps de crever mille fois.
Et qu’avait fait son ravisseur de ses premières révélations ? Si elles étaient venues à la connaissance des Dolf, ils devaient fulminer… Et s’imaginer que c’était de sa propre initiative qu’elle avait décidé de les dénoncer.
Depuis, elle avait noirci d’autres pages, à partir d’un mélange de souvenirs, de semi confidences de Philippe, et de vantardises de Samuel.
Son geôlier était revenu une fois et avait soigneusement lu les feuillets remplis avant de les emporter. Il n’avait pas fait de commentaire, mais deux heures plus tard, elle avait droit à un vrai plat chaud, ainsi qu’à une couette et un oreiller de plumes, preuves de sa satisfaction.
Au goût, elle avait reconnu le poulet aux herbes d’un traiteur qu’elle connaissait. Son ravisseur s’approvisionnait en ville. Elle ne pouvait se trouver très loin de chez elle. D’une certaine façon, c’était rassurant, mais c’était aussi terriblement frustrant et exaspérant.
Malgré ces petites faveurs, ses tentatives de conversation s’étaient heurtées au silence, et il lui avait laissé sa chaine au pied. La première nuit, c’était un cauchemar quand elle se retournait et que ses pieds s’emmêlaient dans les maillons d’acier. A chaque fois, elle se réveillait en sursaut.
Elle avait perdu la notion du temps, la seule chronicité qui lui restait venait de ses besoins : sommeil, faim… Pourtant, il lui semblait que son ravisseur ne devait pas tarder à revenir. Comment le convaincre de la libérer ? Peut-être devait-elle lui proposer une gratification sexuelle ? La façon dont un homme fait l’amour est pleine d’enseignement, et elle pouvait envisager sans trop de dégoût de payer de sa personne, si cela pouvait contribuer à sa libération. Peut-être tomberait-il même amoureux d’elle ? Non, ce genre d’espoir était complètement chimérique et stupide. L’homme n’avait pas paru intéressé par ses charmes.
Son amant, Laurent, devait se poser beaucoup de questions. Il était con, mais il était quand même flic. Est-ce que les Dolf l’avaient mis au courant ? Est-ce que les Dolf savaient qu’il était son amant le plus récent ? Tant de questions…
Elle avait l’impression de puer, mais ce n’était sans doute qu’une illusion. Elle bougeait à peine, ne transpirait pas, et les lingettes qu’il lui avait données lui avaient suffi jusqu’à présent pour se nettoyer les aisselles et les parties intimes. Elle n’avait aucune envie pour le moment de se dénuder et d’utiliser le robinet d’eau froide et le savon noir.
Son ravisseur ne lui avait pas laissé le temps d’utiliser un ovule pour sa mycose, et elle n’avait plus de pharmacie à sa disposition. Une torture de plus. A moins qu’elle ose lui en parler…
Elle était devenue experte dans le maniement de la lampe à pétrole, même si elle détestait son odeur et l’utilisait le moins possible. Mais, parfois, quand elle dormait, elle avait la sensation que des bestioles la frôlaient, et les mains tremblantes, elle rallumait la lampe et la gardait allumée jusqu’à ce qu’elle soit complètement rassurée.
Elle entendit le cliquetis caractéristique de la lointaine serrure, et son cœur s’emballa. Le plafonnier s’éclaira. Elle était un peu rassurée par la façon dont elle avait été traitée jusqu’à présent, mais son hôte pouvait changer d’avis d’un moment à l’autre et décider qu’elle lui causerait moins d’ennuis morte que vivante.
Les pas s’approchèrent, et elle détourna la tête en baissant les yeux.
Quand il fut près d’elle, il ramassa le dernier feuillet et le lut rapidement à la lumière de la lampe.
Il ne fit aucun commentaire, mais resta quelques instants sans bouger. Que faisait-il ? La regardait-il ? Avait-il envie de la prendre ? C’était très différent des jeux sexuels plus ou moins pervers qu’elle avait pratiqués autrefois. Même la fameuse cage du Vert-Galant, qu’elle avait essayée une fois, entourée de quatre hommes, était loin du compte. Tout simplement parce que la notion de jeu était complètement absente de la situation où elle se trouvait. Fini Muriel la maîtresse soumise, fini la femme livrée avec son consentement à de faux sévices. Le mot-clé convenu d’avance qui lui permettait d’échapper à une fessée un peu trop musclée ou à une séance de bondage un peu trop sévère était inopérant ici pour échapper à la servitude… ou à la mort.
–  C’est bien, murmura-t-il. Mais vous devez aussi donner des détails personnels pour authentifier vos lettres.
–  Mon écriture ne suffit pas ? dit Muriel.
–  Non. il faut que vous parliez de vos relations personnelles avec les Dolf.
Je ne vous demande pas les détails intimes, juste de petites anecdotes qui montreront à tous que vous écrivez de votre propre volonté.
–  Et qu’est-ce qui m’arrivera si vous me libérez un jour ? Ils seront convaincus que j’ai tout organisé et ils me détruiront pour ça ! Ce n’est pas Philippe qui prendra ma défense ! L’inconnu émit un petit rire.
– Ne vous inquiétez pas pour ce qu’ils pourraient vous faire dans un avenir hypothétique. Inquiétez-vous de ce qui va vous arriver si vous ne m’obéissez pas.
Muriel se demandait ce qu’elle pourrait bien raconter encore. Le peu de choses qu’elle connaissait des magouilles de sa belle-famille, elle les avait déjà écrites. Devait-elle inventer? Non, c’est elle qui en subirait les conséquences, pour peu qu’il comprenne qu’elle avait brodé.
–  Je peux vous demander quelque chose ? dit-elle.
–  Essayez toujours.
–  C’est très intime…
–  Ça ne sortira pas d’ici. Vous avez vos règles, c’est ça ?
–  Non… Pas pour le moment. Ça dépend du temps que vous me gardez.
J’ai surtout besoin d’un ovule.
–  Qu’est-ce que c’est ?
–  Oh putain… Vous vous rendez compte de l’humiliation que vous me faites subir ? Un ovule, c’est un produit pour soigner une mycose vaginale, voilà, vous êtes content ?
–  Ah. Je vais voir ce que je peux faire, dit-il, ça dépendra de votre prochaine production.
–  Allez vous faire foutre.
Elle attendit une réponse, mais rien ne vint. Elle attendit encore, mais seul le silence régnait dans la cave. Soudain, elle se tourna vers là où il avait du se trouver, et ne vit qu’un espace vide. Quelques secondes plus tard, le plafonnier s’éteignit.
Espèce de salaud, songea Muriel. C’est facile de s’attaquer à une femme ! Tu n’es même pas capable de t’attaquer aux Dolf, tu as trop peur d’eux.

 

FIN DE LA PREMIERE PARTIE

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