DAJMA | Chapitre 59 – La Cité des secrets
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Chapitre 59 – La Cité des secrets

Faim de toi

Eric Sallenave, le procureur, appuya sur la touche de son interphone.
– Je suis en conférence, Amélie, veuillez à ne ce qu’on ne nous dérange pas et ne me passez aucune communication.
Il lâcha le bouton et se tourna vers Sophie Heider, assise sur le bureau à côté de lui. L’odeur délicieuse de sa peau, de ses cheveux, pénétrait ses narines. Elle avait tenu à apporter elle-même de quoi déjeuner pour deux, car elle trouvait que son amant se nourrissait mal. Ils adoraient ces rares moments d’intimité où ils pouvaient, pendant une heure, avoir l’illusion d’être un couple.
Il glissa la main entre les cuisses de Sophie et les pétrit doucement, remontant petit à petit vers le haut.
–  Je croyais que tu avais faim ? dit-elle.
–  Faim de toi.
Elle rit et se pencha pour l’encercler de ses bras et poser les lèvres sur ses cheveux, alors qu’il poursuivait ses travaux d’approche.
Eric recula soudain, se plaça à genoux devant elle et enfouit carrément la tête entre les cuisses de Sophie, en passant ses mains derrière elle pour lui tenir les fesses.
Sophie ferma les yeux.
Vingt minutes plus tard, elle disposa équitablement les salades et les tranches de jambon dans deux assiettes en papier, et leur servit à chacun un verre de bière ambrée. Sur l’étiquette de la bouteille, la jeune femme rousse dessinée en effigie lui ressemblait curieusement, et c’était devenu un sujet de plaisanterie entre eux.
–  On parle un peu ? dit-elle. La garde-à-vue de Thomas Magnus va bientôt se terminer. Tu nommes quel juge pour s’occuper du dossier ?
–  Renard, probablement.
–  Il croule déjà sous les affaires, non ?
–  Je vais le décharger des moins urgentes et des moins importantes.
Qu’est-ce que tu penses de Magnus ?
–  Je ne sais pas trop.
–  Il nie?
–  Il dit qu’il ne se souvient de rien. Il n’avait rien contre les deux hommes qui ont été assassinés.
–  Pas de mobile, donc. Tu l’as interrogé sur son passé ?
–  Oui. Pas grand chose à dire. Une enfance ballotée d’une famille d’accueil à une autre, mais ça n’en fait pas un assassin. Des petits délits, sans violence, à part une résistance à agents. Il s’est mis à l’écriture, et fait preuve d’un certain talent de poète d’après le petit éditeur qui a publié une plaquette. Genre torturé, mais encore une fois, ça ne prouve rien.
– Le problème, c’est le mobile, dit Sallenave, en croisant les bras dans son fauteuil.
Sophie pouffa.
–  Qu’est-ce qu’il y a ? dit-il, étonné.
–  Ta posture de magistrat est moins digne quand tu n’as pas ton pantalon, dit-elle.
Il sourit à son tour, mais ne se rhabilla pas pour autant.
– Je me suis dit qu’on n’en a peut-être pas terminé, dit-il. Et tu n’es pas dans une tenue beaucoup plus digne que la mienne, surtout pour une commissaire divisionnaire, sans slip et la jupe froissée. Enfin… Pas plus digne, mais très sexy.
Elle jeta un coup d’œil à sa montre.
–  On a encore le temps ?
–  On le prendra.
Un quart d’heure plus tard, Sallenave répéta ce qu’il avait dit avant leur second intermède.
–  Je sais bien, dit Sophie. Magnus n’a pas de mobile. Les tests n’ont pas été fait en temps utile sur les mains de Thomas, et rien ne prouve formellement qu’il est le tueur. Et même si c’est lui… Il n’est pas exclu qu’il soit manipulé.
–  L’origine des armes a été retracée ?
–  Oui. Il s’agit de surplus de l’OTAN volés il y a deux ans. Comment ce marginal sans le sou et solitaire les a-t-il trouvées ? Il n’a aucun lien connu avec des trafiquants d’arme… Et qui l’a aidé à s’enfuir ? Où a-t-il trouvé un complice ? Tout ce que je vois c’est que pour le moment, les Dolf passent pour les grandes victimes. Ils ont payé le prix du sang, et en prime, leur projet de grande manifestation sportive tombe à l’eau.
–  Il serait sans doute tombé à l’eau de toute façon. Rien ne dit que la fédération européenne aurait accepté que les championnats juniors se déroulent ici.
–  Qu’est-ce que tu sous-entends ? dit Sophie. Que les seuls qui ont un mobile, ce sont les Dolf ?
Il secoua la tête.
–  Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit… Mais c’est vrai que ça leur retire un peu de pression. Il y a autre chose aussi. La nuit du 18 mars 1978. Ça te dit quelque chose ?
–  Ça devrait ? dit Sophie. Je te rappelle que je suis une implantée de fraîche date. Et en 78, j’avais cinq ans.
–  Six jeunes gens, qui habitaient tous ici, ont été percutés par un train de marchandise en pleine nuit, alors qu’ils traversaient la voie à un passage à niveau non gardé… Bilan : six morts.
–  Qui était responsable ? Eux ou la SNCF ?
–  Eux. Ils ont fait preuve d’une inconscience totale en traversant juste avant le passage du train.
–  Ils avaient bu ?
–  On ne le saura jamais. Les corps ont été déchiquetés et pour couronner le tout, le réservoir d’essence était plein et il a explosé… Tu peux imaginer ce qui restait à autopsier.
–  C’est curieux, dit Sophie, j’ai l’impression que tu ne me dis pas tout.
–  Malheureusement si, il n’y a pas grand chose d’autre à dire.
–  Quelles étaient les circonstances ? Ils revenaient d’une virée en boîte de nuit ?
–  Non. L’enquête a établi qu’ils avaient eu une réunion politique… Ces jeunes gens étaient tous d’extrême gauche.
–  Et après la réunion, ils ont tous pris la même voiture ? Bizarre, non ?
–  Oui, mais apparemment, ça n’a étonné personne à l’époque.
Ils restèrent silencieux quelques instants, et Eric Sallenave s’avisa que Sophie Heider n’avait toujours pas remis son slip, qui trainait par terre. Cela orienta aussitôt ses pensées dans une autre direction et il agit en conséquence.
– On n’a vraiment plus le temps ! dit-elle en jetant un regard à sa montre. Comme pour souligner ce qu’elle venait de dire, son téléphone émit un carillon.
– On m’appelle de la boîte, dit-elle en le portant à l’oreille. Ok… Elle raccrocha et soupira.
–  Désolée, il faut que j’y aille.
–  Magnus a avoué ?
Non, ce serait trop beau. De toute façon, c’est moi qui vais l’interroger une dernière fois avant son passage chez le juge. Personne d’autre, j’ai été très claire à ce sujet.

 

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