DAJMA | Chapitre 50 – La Cité des secrets
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Chapitre 50 – La Cité des secrets

Je n’en ai pas fini avec toi
Quand ils arrivèrent devant le commissariat, Charlène était là près du perron, avec un copain caméraman. Le caméraman pointa sa caméra et commença à filmer, alors que Charlène rejoignait les deux hommes et pointait son micro vers Thomas Magnus.
–  Thomas Magnus ? dit-elle.
–  Oui, c’est moi, répondit-il.
–  Vous allez vous rendre à la police ?
–  Oui.
–  Avez-vous quelque chose à dire ?
–  Oui, que je suis innocent des deux meurtres du café du Centre, et aidé de mon avocat Bruno Walmer, je le prouverai !
Le planton avait disparu, dès que le nom de « Thomas Magnus » avait été prononcé.
Quelques instants plus tard, une nuée de flics, en uniforme ou en civil, surgirent par la porte principale et se ruèrent sur les deux hommes.
Le caméraman de Charlène avait reculé et continuait à filmer, alors que Charlène orientait son micro vers les flics.
– Capitaine Ménard ! Capitaine Ménard ! Avez-vous quelque chose à dire ?
Ménard lui lança un regard furieux avant de lui tourner le dos en empoignant Magnus. Aidé de deux collègues, ils l’emmenèrent rapidement à l’intérieur, suivis par Bruno Walmer. Mais celui-ci se heurta presque aussitôt à un barrage de gardiens en tenue.
– Interdiction d’entrer, dit le chef de poste en plaquant la paume sur la poitrine de Walmer.
Celui-ci eut le temps de voir disparaître Magnus littéralement porté par ses geôliers.
– Vous voulez dire que vous interdisez à Monsieur Magnus d’être entendu en présence de son avocat ? hurla Walmer, afin d’être entendu par le micro de Charlène. Savez-vous que c’est un cas d’annulation de procédure ?
La voix de Sophie Heider claqua depuis l’escalier qui menait à son bureau.- Laissez-le passer !
Les flics s’écartèrent de mauvais gré, et Bruno put progresser vers l’intérieur. Sophie Heider descendit les dernières marches.
–  Bonjour maître, dit-elle.
–  Bonjour commissaire.
Ils se serrèrent la main.
–  Magnus a accepté de se rendre à condition que je le défende et je l’ai amené moi-même ici. Je ne pensais pas que ça me vaudrait d’être traité comme un contrevenant. Comme le précise la loi, je demande à être présent quand il sera interrogé.
–  Je n’y vois aucun inconvénient, dit Sophie avec un sourire, puisque c’est la loi.
–  Monsieur Magnus m’a paru en bon état général, sans aucune blessure récente, et j’aimerais le retrouver dans le même état à chaque audition.
Le sourire de Sophie disparut.
–  Qu’insinuez-vous par là, maître? Que mes hommes sont capables d’utiliser la force de manière injustifiée ?
–  Je n’insinue rien, je reste extrêmement vigilant, particulièrement en ce qui concerne le capitaine Ménard, cible de plusieurs plaintes pour arrestations arbitraires et violence.
Sophie Heider rougit et son regard devint fixe et glacial.
–  Dans mon commissariat, sous mes ordres, aucun policier ne transgresse la loi ! dit-elle.
–  Je suis heureux de vous l’entendre dire. Est-ce que je peux vous parler en tête-à-tête ?
Sophie acquiesça. Elle l’emmena dans son bureau et referma la porte derrière eux.
Sur le mur face à la fenêtre, Bruno fut surpris de découvrir une belle reproduction de Matisse qui éclairait la pièce.
–  Veuillez m’excuser si j’ai paru vous mettre en cause, dit-il. Il n’en est rien. Je sais que vous faites du bon travail ici depuis votre arrivée.
–  Depuis quand défendez-vous Magnus ?
Bruno sortit de sa poche le bout de papier où Magnus avait écrit sa courte lettre.
–  Depuis hier. Depuis que j’ai reçu ça.
–  Comment ce mot est arrivé chez vous ? Il haussa les épaules.
–  Peu importe. Ce que je tenais à vous dire, c’est que je ne suis pas du tout certain que vous teniez le bon coupable.
–  Vous êtes sérieux ? Vous savez quels éléments nous avons contre lui ?
–  Une mauvaise vidéo et des armes sous son matelas. Ce ne sont pas des preuves. Il était drogué et inconscient. Pourriez-vous me dire, en attendant que j’aie accès à son dossier, quel produit il a ingéré, et si ses vêtements ou ses mains portent des traces de poudre ? Sophie Heider hésita un instant, et ouvrit un tiroir de son bureau. Elle sortit une chemise qu’elle ouvrit.
–  Pas de traces de poudre, dit-elle, ni sur ses vêtements ni sur ses mains. En ce qui concerne la drogue, il s’agit probablement de rohypnol.
–  Merci de votre confiance, dit Bruno. Du rohypnol, cela indiquerait plutôt qu’il a été drogué par un tiers.
–  Ou qu’il a voulu le faire croire.
–  Et ses antécédents ?
–  C’est un marginal, il a été verbalisé pour de petits délits, arrêté pour détention de produits stupéfiants…
–  Mais pas de trafic ?
–  Non.
–  Merci encore.
–  A mon tour de vous demander quelque chose, maître, dit Sophie. La loi vous donne aujourd’hui beaucoup plus de contrôle sur la garde-à-vue. J’espère que vous nous laisserez faire notre travail d’enquête sans chercher à nous mettre des bâtons dans les roues. Je veux bien que votre client soit présumé innocent, mais c’est bizarre pour un innocent de s’enfuir plutôt que d’essayer de prouver son innocence, non ?
–  Je ne sais pas comment je réagirais personnellement si je me retrouvais sur un lit d’hôpital, sans savoir comment je suis arrivé là, avec encore dans mon organisme les effets secondaire de l’absorption d’un hypnotique puissant…
Le téléphone sonna sur le bureau de Sophie.
– Excusez-moi, dit-elle en décrochant. …Non, je veux le voir dans mon bureau.
Elle reposa le combiné sur le socle.
–  Je vais procéder au premier interrogatoire de Magnus. Je compte sur vous pour ne pas intervenir pendant l’audition. Voulez vous vous entretenir avec votre client ? Vous avez le droit à trente minutes.
–  Ce ne sera pas nécessaire.
Laurent Ménard ordonna à Thomas Magnus de se déshabiller entièrement et de déposer ses vêtements dans un casier en plastique.
Il lui demanda de se pencher en avant et de tousser. Il laissa son prisonnier nu pendant une bonne minute, et fit le tour en l’examinant comme un animal de foire.
– C’est quoi cette marque ? dit-il en indiquant la tache sur la face interne de la cuisse. Un tatouage ?
Magnus fit non de la tête.
– Tu peux te rhabiller, sauf la ceinture, la montre et les lacets.
Magnus s’exécuta, avec une apparente indifférence qui exaspéra Ménard.
– Tu fais moins le malin, dit-il. Ici, ce n’est pas l’hosto, tu as intérêt à te tenir tranquille.
Magnus ne répondit pas. Ménard s’approcha à le toucher.
–  Oui monsieur l’officier de police, c’est ça que tu dois répondre.
–  Je t’emmerde, répondit Magnus doucement.
Ménard le poussa violemment, le faisant trébucher. Magnus se rattrapa en s’appuyant au mur, et Ménard lui faucha le bras d’une manchette. Le front de Magnus percuta le béton avec un bruit sourd, et il s’accroupit, étourdi, une marque rouge au dessus du sourcil droit.
Ménard maîtrisa son envie presque insurmontable de lui donner un coup de pied dans le ventre. Il recula, le souffle court. Il ne pouvait se permettre de le marquer. Pas maintenant en tous cas, pas avec Walmer dans les murs en train de palabrer avec sa conne de patronne légaliste.
Rhabille-toi, connard, dit-il, la voie enrouée par la rage et la frustration, je n’en ai pas fini avec toi. Tu ne perds rien pour attendre.

 

 

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