DAJMA | Chapitre 31 – La Cité des Secrets
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Chapitre 31 – La Cité des Secrets

Je connais cette ville, et je sais de quoi certains de ses habitants sont capables.
Charlène faisait le pied-de-grue depuis une bonne demi-heure dans l’antichambre du cabinet, quand l’assistante de Walmer vint lui dire qu’il venait d’arriver et qu’il pouvait la recevoir.
Ils s’étaient déjà croisés dans des soirées ou des manifestations publiques, mais ils ne s’étaient jamais vraiment parlé.
Walmer toisa la belle jeune femme blonde au menton volontaire et au regard clair, alors qu’elle de son côté, trouvait qu’il avait vieilli, même s’il portait toujours beau. Son regard bleu, par contre était comme dans son souvenir, droit et froid. Une bonne réputation, mais quand même pas un type commode. Elle mit beaucoup de chaleur dans son sourire, sachant qu’il en faudrait malgré tout plus pour le faire sortir de sa réserve.
–  Vous avez rerouvé votre i-pad ? Dit Walmer en lui serrant la main.
–  Eh non. J’ai dû m’en acheter un autre.
–  Vous savez, il m’arrive de lire votre blog. Vous savez décrire les événements avec pertinence. Votre plume est vive et vous ne faites pas de fautes d’accords, je ne peux pas en dire autant de la plupart des journalistes que je connais. Et puis surtout, je sens un petit air d’indépendance et de critique qui me plaît bien.
–  Merci, dit-elle, et son grand sourire n’avait plus rien de forcé.
–  Cela dit, je ne vois pas trop ce qui vous amène… Si c’est pour parler de l’association du Puiseux, je pense qu’il est encore trop tôt…
–  Non, ce n’est pas pour ça que je voulais vous voir. C’est à propos du 18 mars que je voudrais vous poser quelques questions.
–  Ah.
Elle vit sa mâchoire durcir et son visage se figer.
–  Je suis désolé, mais je ne vois pas comment je pourrais vous aider. Je n’ai aucune info privilégiée sur cet attentat, je suis comme tout le monde, j’espère que la police et la justice vont découvrir rapidement la vérité et arrêter le ou les coupables…
–  En fait, c’est d’un autre 18 mars que je voudrais vous parler, le 18 mars 1978, quand six jeunes gens ont été écrasés par une motrice en pleine nuit dans leur voiture, au passage à niveau de Saint-Sauveur, à trois kms de la ville. Laurent Walmer, votre frère aîné, âgé de 22 ans, faisait partie des victimes.
Bruno resta impassible, mais Charlène sentit qu’il était touché. Pas pris de court, mais touché. Pour prendre de court quelqu’un de l’envergure de Walmer, il en fallait plus.
–  Oui, dit-il, j’ai été comme vous frappé par la coïncidence des deux dates, sans toutefois y voir autre chose qu’une coïncidence. Si vous cherchez un lien entre ces deux affaires, je suis désolé mais je n’en vois pas.
–  Bien. Je sais que vous avez cherché pendant des années des preuves que l’accident de Saint-Sauveur n’en était pas un, et que pour vous il s’agissait d’un sextuple meurtre déguisé en accident.
–  Oui, c’est vrai, dit-il. Le problème, c’est que je n’ai jamais réussi à trouver le moindre indice pour étayer ma conviction. Et puis les années ont passé… J’ai mené d’autres combats…
–  Mais vous n’avez jamais oublié.
–  Non, dit-il avec un sourire qui n’atteignait pas ses yeux. Maintenant, si vous voulez bien me pardonner…
–  Je sais, vous avez beaucoup à faire. J’avoue que je suis déçue, mais il fallait que je vous pose ces questions… Elle se leva.
– Ecoutez, dit-il, je crois que vous êtes quelqu’un d’honnête, et que vous ne cherchez pas le sensationnalisme à tout prix… J’aimerais que nous maintenions le contact, maintenant que la glace est rompue.
Elle acquiesça vigoureusement. Un contact du calibre de Walmer, c’était précieux. Mais n’était-il pas en train de la draguer ?
–  Vous êtes une jeune femme très belle, mais je ne suis pas en train de faire des travaux d’approche, dit-il, devinant son hésitation. Nous nous reparlerons. Mais…
–  Mais?
–  S’il y a un lien entre ces deux affaires, et si j’ai eu raison de penser pendant toutes ces années que l’accident de 78 n’était pas un accident… Je ne saurais trop vous conseiller de faire attention où vous mettez les pieds. Je n’aimerais pas découvrir un matin que vous aussi vous avez eu un accident.
Il paraissait sérieux et soucieux de la convaincre. Charlène frissonna.
–  Vous croyez… ?
–  Je ne crois rien. Je ne sais rien. Mais je vous en prie, faites attention à vous, Mademoiselle Fox. Je connais cette ville, et je sais de quoi certains de ses habitants sont capables. Ne faites rien d’inconsidéré… Il ouvrit un tiroir de son bureau et sortit une carte qu’il lui tendit.
– Il y a mes numéros personnels sur cette carte. Je vous serais reconnaissant de ne pas les divulguer. Si vous avez un doute, une question… N’hésitez pas à m’appeler. Avant d’entreprendre quoi que ce soit qui pourrait vous mettre en danger.
– Merci.
– Pas de quoi.
Il parut soudain plus fatigué, et triste.
– Ma collaboratrice préférée a été grièvement touchée le 18. Je ne voudrais pas que vous soyez blessée à votre tour. Ou pire.
Le regard qu’ils échangèrent émut Charlène. Walmer n’avait plus seulement l’air d’être triste, mais d’éprouver une souffrance profonde et intime.
– Merci, répéta-t-elle. Je vous appellerai si je trouve quelque chose.
Non. Appelez-moi avant. Sinon, il se pourrait bien que ce quelque chose vous trouve le premier. Et vous fasse taire.

 

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