DAJMA | Chapitre 16 – La Cité des Secrets
17126
post-template-default,single,single-post,postid-17126,single-format-standard,woocommerce-no-js,ajax_fade,page_not_loaded,,qode-title-hidden,qode_grid_1200,hide_top_bar_on_mobile_header,columns-3,qode-theme-ver-16.8,qode-theme-bridge,disabled_footer_top,wpb-js-composer js-comp-ver-5.5.2,vc_responsive

Chapitre 16 – La Cité des Secrets

Soixante-dix sept jours, soixante-dix-sept nuits restaient à vivre
Charlène Fox était allée déposer plainte au commissariat pour le vol de son i-pad, sans illusion. Mais avec un petit espoir d’en apprendre plus sur les meurtres.
Ronan la fit asseoir à son petit bureau. Il ne la connaissait pas, et fut tout de suite conquis par son sourire, ses yeux verts et sa blondeur.
–  Je sais que ça ne sert à rien, dit-elle, mais si personne ne porte plainte…
–  Vous avez raison, dit-il avec sérieux. Votre voleur vous a frappé ? Il montra d’un geste l’hématome qu’elle avait au menton.
–  Non, c’est pendant la bousculade… J’ai des bleus un peu partout…
–  Vous vous êtes fait examiner ? Parfois, les coups peuvent avoir des conséquences à long terme…
–  Tout va bien, je suis juste un peu endolorie… C’est la perte de mon ipad qui m’embête vraiment…
–  Je comprends.
–  Même si ce n’est pas grand chose. J’ai un peu honte, par rapport à la mort de ces deux hommes…
–  Mais non, c’est normal de porter plainte quand on se fait dépouiller.
Il commença à remplir la fiche de renseignement en cherchant une ouverture pour la revoir. Si elle s’était fait cambrioler chez elle, cela aurait été plus facile.
– Vous avez des pistes ? dit-elle. Il lui sourit sans répondre.
–  Pourquoi tuer ces deux types ? Vous croyez que c’est politique ?
–  Je ne sais pas, répondit-il en toute sincérité. Je pense que le procureur fera un point dans la journée. C’est tout ce que je peux vous dire.
–  Ils ont arrêté quelqu’un ?
Le regard qu’il lui lança lui donna la réponse. Elle sortit son sourire le plus ravageur.
–  Vous ne pouvez pas me dire qui c’est ?
–  Et me faire révoquer ? Merci.
–  Ecoutez, jamais je ne vous mettrai en cause et de toute façon ça ne sortira pas avant que vous me donniez le feu vert.
Une fliquette en tenue entra dans le bureau et déposa un dossier devant le lieutenant.
Ronan et Charlène ne se quittèrent pas du regard jusqu’à ce que l’intruse reparte. Ils respirèrent en même temps.
–  Elle n’a rien pu entendre, dit Charlène.
–  Elle n’a rien pu entendre parce que je n’ai rien dit. Bon, je vais vous faire confiance pour cette fois. Ne me le faites pas regretter. Ils ont trouvé un gars dans un squat… Ils ont dû l’emmener à l’hôpital.
–  Il a été blessé ?
–  Non, il est complètement stone.
–  Comment on sait que c’est lui ?
–  On a trouvé des armes.
–  Ce sont les armes qui ont servi ?
–  La balistique est en cours, mais le type d’arme et le calibre correspondent.
–  Ok. Quel squat ?
–  Dans le centre ville.
–  Rue Haute ? Vous voulez dire dans notre « cité des artistes » ?
Il fit un bref signe de tête qui pouvait passer pour un oui. Cette fois, elle sentit qu’elle avait atteint la limite. Il ne lui dirait rien de plus. Mais elle avait de quoi faire. A présent elle était pressée de partir.
– Je vous promets que ça ne sortira pas avant votre feu vert, répéta-t- elle. Et à charge de revanche. Pour ma plainte, on oublie ?
Vingt minutes plus tard, Charlène s’introduisait dans le squat de la rue Haute. Elle les avait déjà interviewés, et photographié les œuvres des jeunes artistes, en particulier la première série de papillons de Sabine Legrand. Sa visite ne suscita aucune réaction particulière et elle dénicha Sabine dans son atelier du rez-de-chaussée en train de coller des papillons – en aluminium cette fois – sur une vaste toile blanche agrafée à même le mur.
La grande femme fit un clin d’œil à Charlène sans cesser de s’activer.
– Je m’attendais bien à ta visite. Mais je suppose que ce n’est pas pour moi que tu viens, aujourd’hui. Charlène ne tourna pas autour du pot.
–  Non. Tu sais qui est le gars qu’ils ont arrêté ?
–  Je ne sais presque rien de lui. Mais j’ai quand même quelque chose pour toi. Un truc que ces salopards de flics n’auront pas.
Elle interrompit son travail, sortit de sous une pile de vieux magazines féminins posés à l’aplomb du mur, une chemise cartonnée bleu pâle aux coins cornés, et la tendit à Charlène.
La chemise contenait une dizaine de feuillets couverts d’une écriture serrée, fiévreuse et souvent raturée, à l’encre bleue.
Il s’agissait apparemment d’une sorte de poème qui commençait par cette strophe :
Je suis né du gouffre de l’Anonyme face aux Monts d’ardoise bleue
Poussé par des mains sans nombre sur un chemin de feu
Ma mère trahie, Qui la cherche encore ? Sinon Dieu ?
Ses pauvres tueurs, démons de pacotille sans foi et sans aveu,
Ne se cachent même plus, si je pouvais crever leurs yeux !
Mais non : j’erre en vain dans l’ombre, je rampe de lieu en lieu
….
Charlène tourna les pages une à une, parcourant en diagonale le texte souvent illisible.
En bas de la dernière page, il y avait un nom : Thomas Magnus.
– Celui qui m’a donné ça, c’est le gars que les flics ont arrêté. Si tu veux, tu peux en faire une copie, mais tu me le rends après. C’est tout ce qu’il possède, on ne peut pas le lui enlever. Même s’il part en taule.
Charlène acquiesça.
– Ça marche. Et je ne dirai pas où je l’ai eu.
Sabine Legrand lui fit un second clin d’œil et reprit son collage de papillons de métal.

 

Voir la version PDF