DAJMA | Chapitre 12 – La Cité des Secrets
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Chapitre 12 – La Cité des Secrets

Elle se glissa dans le couloir, descendit l’escalier jusqu’à l’étage du dessous, alluma, examina le petit salon, la chambre d’ami et la cuisine. Pas trace d’une présence, pas trace de désordre.
La porte d’entrée était fermée, et en essayant d’ouvrir, elle put vérifier qu’elle avait bien verrouillé la serrure avant de se coucher.

Ses clés étaient à leur place, dans la petite vasque sur l’étagère de la bibliothèque. Dès demain, elle ferait poser une barre sur la porte, et bien malin celui qui réussirait à entrer.
Devait-elle porter plainte ? Mais allait-on seulement la croire ? Il n’y avait aucune trace d’effraction, sans parler de vol… Elle se voyait déjà face un flic sceptique. « Vous êtes bien sûre que vous n’avez pas rêvé, Madame ? Parfois on a de drôles d’impressions la nuit, surtout quand on est seule. » En plus il la regarderait et se dirait qu’elle devait être en préménopause, et que ses bouffées de chaleur lui étaient montées à la tête…

Peut-être pas de plainte, mais une simple main courante : « Je crois qu’on est entré chez moi cette nuit… Non, pas d’infraction, mais j’ai entendu du bruit – c’était presque la vérité – et j’ai eu tellement peur que j’ai mis du temps à aller voir. Quand je suis descendue il n’y avait personne… »
Elle ne serait ainsi pas obligée de répondre à des questions indiscrètes : « Y a-t-il quelqu’un qui pourrait vous en vouloir ? » « Un ancien petit ami ? » etc. Elle remonta se coucher. Elle n’avait plus sommeil, mais se résolut à éteindre, et resta les yeux ouverts dans le noir pendant de longues minutes. Quelle étrange aventure. Si improbable que même ses meilleures amies auraient du mal à la croire. Elle-même d’ailleurs… Comment se faisait-il qu’elle n’ait pas eu plus peur ? Courage ou inconscience ?
Elle se réveilla en sursaut pour se rendre compte que le sommeil avait fini par l’emporter. Le silence profond de la nuit l’accueillait. Le chat Murr dormait, le menton posé sur la couverture. Elle se rendormit, encore un peu moins sûre de la réalité de son expérience.

Décrivez-moi vos symptômes
Le rendez-vous n’eut pas lieu dans le cabinet du docteur Wendel, ni dans le bureau de Jean-Claude Dolf.
Jerôme Kaplan avait loué pour la circonstance à son nom une chambre d’hôtel dans un relais-château quatre étoile situé à quinze kms du centre- ville.
Le chauffeur fit le tour de la propriété et le chef du clan Dolf entra à huit heures pile par une des portes situées à l’arrière de la grande bâtisse blanche aux cinquante fenêtres. Il était à jeun, et n’avait même pas avalé un verre d’eau depuis son réveil.
Suivant les indications que lui avait données son éminence grise, il suivit un long couloir au sol dallé de pierre blonde, gravit un escalier jusqu’au second étage, ouvrit une porte palière et se trouva dans un couloir plus vaste et plus luxueux, couvert d’un épais tapis rougeoyant. Il avança jusqu’au bout du couloir et toqua à la dernière porte.
Une femme d’une quarantaine d’années, aux grands yeux verts et froids de chatte ouvrit et s’effaça pour le laisser entrer. Jean-Claude Dolf se trouvait dans une suite de l’hôtel sans que personne ne l’ait vu entrer. Il n’était pas dépaysé, ayant amené des femmes ici à plusieurs reprises, au cours des années passées.
Le docteur Wendel portait une tunique blanche qui évoquait la blouse d’un médecin, à cette différence près que la sienne était en soie et qu’un petit croissant en or parsemé d’émeraudes ornait sa poitrine. Le reste de sa vêture était composée d’une jupe noire très stricte, de bas arachnéens et d’escarpins à talons aussi fins que des stylets.
Il s’assit dans un des larges fauteuils club en cuir et croisa les jambes.
Elle s’assit face à lui, sur une chaise droite, et le scruta quelques instants avant d’ouvrir la bouche.
–  J’aurais préféré que nous nous voyions à ma clinique, à Lausanne, dit- elle.
–  Je tiens à la discrétion avant tout, répliqua Dolf. Je vous dédommagerai en conséquence.
–  Il ne s’agit pas de ça. Bon… Décrivez-moi vos symptômes.
–  Ça risque d’être long, dit-il dans une tentative avortée de faire de l’humour.
–  J’ai tout mon temps. Pendant que vous parlez, je vais vous prélever un peu de sang. Vous me donnerez ensuite un échantillon d’urine.
Elle ouvrit une valise posée sur le lit et en sortit une seringue sous emballage, plusieurs flacons et des étiquettes. Elle passa un morceau de gaze au désinfectant, alors que Dolf ôtait son veston et remontait une manche de chemise. Pendant ce temps, elle le bombardait de questions sèches et brèves, et il répondait de la même façon.
– Je vous préviens, je ne suis pas experte en prélèvements sanguins, ça fait des années que je n’ai pas fait de piqûres, dit-elle en rapprochant sa chaise du fauteuil.
Elle tapota le bras maigre et veineux de Dolf au niveau du creux poplité, désinfecta un carré de peau et introduisit l’aiguille.
Dolf retint une grimace. Effectivement, elle manquait de pratique.
Elle emplit de sang le contenu de la seringue, et le répartit dans les flacons pré étiquetés.
Pendant qu’elle rangeait le matériel utilisé et les flacons dans la valise, Dolf s’absenta quelques instants dans les toilettes avec le récipient qu’elle lui avait fourni et revint avec quelques centilitres d’urine.
Elle posa encore une rafale de questions. Elle ne fit aucun commentaire sur ses réponses, et Dolf en éprouva un certain agacement, mais par orgueil il s’abstint de quémander des indications sur un éventuel diagnostic.
–  Pour compléter les analyses, j’aurai sans doute besoin de radios, et sans doute même d’un scanner et d’un IRM de votre thorax, dit-elle, ce sera difficile de les faire dans une chambre d’hôtel.
–  Je me débrouillerai, dit Dolf.
–  Eh bien c’est parfait, dit la femme. De quelle manière puis-je vous contacter ?
–  Vous contacterez Jérôme Kaplan qui me transmettra.
–  Comme vous voudrez.
Il renfila sa veste et se leva en même temps qu’elle. Il se dirigea vers la porte.
Quand la porte se fut refermée sur lui, elle poussa un profond soupir et s’assit, dans un fauteuil cette fois. Elle posa les coudes sur ses genoux et se prit la tête dans les mains, en fermant les yeux.

 

Version PDF : « Décrivez moi vos symptômes «