DAJMA | Chapitre 5 – La Cité des Secrets
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Chapitre 5 – La Cité des Secrets

Deux morts et au moins quatre blessés
Aujourd’hui, 18 mars… Un attentat… Y avait-il des victimes ? Se pouvait-il que ce fut une coïncidence ? Oui, bien sûr, tant d’années après le drame… Cela ne pouvait pas avoir de rapport… Et pourtant… Le 18 mars…
Bruno Walmer n’eut qu’à suivre au son les ambulances et les véhicules de polices qui fonçaient à grand renfort de gyrophares et de sirènes vers l’avenue du Général de Gaulle et le Café du Centre. Il coupa par les ruelles qu’il pratiquait depuis l’enfance. A l’instar de Marianne, il était de plus en plus inquiet. Et en même temps, il ne pouvait pas croire que quelque chose fut arrivée à sa jeune collaboratrice. Pas à elle, avec sa jeunesse, son allant… Même s’il était bien placé pour savoir que personne, jamais, n’est à l’abri.

Elle ne faisait pas partie de son cabinet depuis longtemps, mais tous s’étaient déjà rendus compte que sa personnalité la rangeait à part. Les avocats ne sont pas des tendres, surtout entre eux, mais personne n’avait encore réussi à émettre le moindre avis négatif sur elle. Et lui-même, en dépit de sa méfiance instinctive et acquise, il lui faisait pleinement confiance. Malgré sa jeunesse. Malgré le nom qu’elle portait.

Quand il arriva en vue du café du centre, les flics étaient en train de dresser des barrières pour contenir la foule des badauds. Les ambulances occupaient toute la largeur de la voie, sur plusieurs dizaines de mètres.
Il se fraya un chemin à travers la foule, le cœur de plus en plus serré, et rejoignit les barrières. Il fit signe à un flic en civil qu’il connaissait et celui-ci souleva le ruban pour le laisser passer.
– Des clients à vous ? Demanda le flic. Bruno le regarda sans comprendre.
–  Gaëlle Bouchard ? Dit-il. Blonde, petite… Vous l’avez vue ?
–  Oui, je crois, dit le flic. Elle est par là. Il indiqua la direction des ambulances.
–  Blessée ?
–  Oui. Il y a deux morts et au moins quatre blessés, peut-être plus, dit le flic. Elle ne fait pas partie des morts, en tous cas.
Bruno entrevit sur le seuil du café une belle rousse à la silhouette remarquablement fine. C’était Sophie Heider, la patronne de la police, mutée ici treize mois plus tôt. Sans cesser de distribuer ses ordres à ses flics, elle repéra Bruno et lui adressa un petit signe avant de tourner la tête. Pas grand chose ne semblait lui échapper.

Il reconnut une autre jeune femme, assise à l’arrière d’une ambulance, un gobelet à la main. Mortellement pâle sous le casque de cheveux blonds, et une couverture de pompier en aluminium doré sur les épaules. Charlène Fox, créatrice d’un blog à succès. Walmer s’approcha d’elle en évitant deux ambulanciers.
–  Vous êtes blessée, Charlène ? lui demanda-t-il.
–  Non, choquée et un peu endolorie. J’étais assise à la terrasse. Je me suis fait piétiner par mes voisins de table.
Elle avait une entorse légère à la cheville et des bleus sur les bras et la tempe. Elle avait vu Gaëlle se faire embarquer dans une ambulance qui était déjà repartie, sirène hurlante. Gaëlle paraissait inconsciente, mais Charlène n’avait vu aucune trace de sang sur elle.
Elle lui demanda à son tour s’il savait ce qui c’était passé. Les flics n’avaient rien voulu lui dire.
–  Un flic m’a dit qu’il y a deux morts et au moins quatre blessés, dit Bruno.
–  Merde, dit Charlène, et en plus j’ai perdu mon ipad. Je ne peux même pas balancer la nouvelle.
Bruno s’écarta et prit son téléphone pour communiquer à Marianne le peu d’infos qu’il venait d’obtenir.
–  D’après les renseignements que j’ai, elle est blessée et en route pour l’hôpital.
–  Blessée ? Blessée comment ?
–  Je ne sais pas.
–  Quel hôpital ?
–  Je ne sais pas non plus. Je vais me renseigner et je vais la retrouver. Je vous rappelle.
–  Je serai dans le train, dit Marianne. Si vous n’arrivez pas à me joindre, laissez moi un message, je vous en prie.
–  Bien sûr.

Je te demande de ne parler de ça à personne
Pauline Verdier entendit comme tout le monde les sirènes et n’y prêta d’abord aucune attention, même si depuis deux ans, les sirènes avaient pris une importance particulière dans le paysage national. Mais leur persistance et les mouvements des badauds devant sa vitrine l’amenèrent tout de même à se demander ce qui se passait.

Elle se posta sur le seuil de sa librairie, et fut bientôt rejointe par Sandra, qui tenait son portable à la main, et par Romain.
– C’est un attentat dans le café du centre, dit Sandra. Une copine vient de me prévenir.
Elle avait la voix légèrement haletante des gens qui propagent une mauvaise nouvelle.
– Un attentat ? répéta Pauline. Oh non…

Les passants, nombreux, s’éloignaient de l’épicentre de la catastrophe, et Pauline vit passer plusieurs personnes de connaissance, dont Bruno Walmer, l’avocat. Autrefois, les gens étaient attirés par le drame. Depuis la vague d’attentats terroristes, ils avaient appris à ne pas s’attarder sur les lieux.
Elle rentra dans sa boutique, sentant la peur l’envahir. Mais soudain, une coïncidence la frappa : elle venait de voir passer Bruno Walmer, l’avocat cité dans le manuscrit. Et on était le 18 mars. « Le 18 mars 2018, début de la fin. » Elle eut le sentiment que quelque chose d’énorme et de terrible se préparait. Et d’incompréhensible.
Romain la regardait, comme s’il devinait ce qu’elle ressentait. Jusqu’où était-il allé de la lecture ?
–  Ça va ? dit-il. Tu es toute pâle.
–  Oui, ça va, un truc que j’ai mangé, ce n’est rien. Il se tourna à nouveau vers la rue.
–  Tu crois que ce sont des terroristes ?
–  Je ne sais pas, dit-elle, je ne sais pas. En tous cas tu ne sors pas d’ici !
Rentre à l’intérieur, on ne sait jamais.
Elle se dirigea vers le meuble où elle avait rangé les pages imprimées, et les sortit du tiroir.
Elle alla directement à la dernière ligne.
« Le 18 mars 2018, début de la FIN. »
Y avait-il un rapport ? Tenait-elle en main la preuve d’un crime prémédité ? D’un vrai crime qui avait fait des victimes, de vraies victimes ?
Pauline sentit que ses jambes ne la portaient plus. Elle tomba assise dans le fauteuil, et le manuscrit glissa à terre.
« Mon Dieu », murmura-t-elle. « Mon Dieu, qu’est-ce qu’il se passe ? »
Elle chercha les feuillets du regard, sursauta en ne les voyant pas, et se rasséréna un peu en les découvrant à ses pieds. Elle les ramassa et les rangea d’une main tremblante dans le tiroir.
Que devait-elle faire ? A qui pouvait-elle se confier ?
–  Tu as vu, on est le 18 mars, lui dit Romain en la rejoignant.
–  Et alors ?
–  Et alors sur la dernière page du manuscrit, tu te souviens de ce qu’il y écrit, non ? « Le 18 mars, début de la fin ». Tu ne trouves pas que c’est bizarre ?
Pauline le regarda sans répondre, l’esprit désespérément vide.
– Je te demande de ne parler de ça à personne, dit-elle enfin.

 

Version PDF : Aujourd’hui, 18 mars…