DAJMA | Chapitre 40 – La Cité des Secrets
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Chapitre 40 – La Cité des Secrets

Des spéléologues de l’an 3000 découvriront votre squelette.
A l’instant où Jean-Claude Dolf se demandait qui lui avait déclaré la guerre, Muriel avait atterri sur un sol de terre battue, toujours immobilisée par des liens en plastique et aveuglée par une capuche en tissu opaque, et elle se trouvait réduite à un état de stupeur terrorisée après de longues minutes de peur et de rage intense.
Elle perçut un bruit, une vibration plutôt, contre sa tête, et l’instant d’après, la cagoule lui était arrachée et elle clignait des yeux dans la pénombre d’une cave souterraine. Une unique lampe jaune retenue par un fil électrique torsadé pendait du plafond cintré, et elle ne discernait de l’homme qui la surplombait que les longues jambes gainées d’un pantalon foncé à pli et de bottes de chantier en caoutchouc vert.
Une longue chaine se balançait au poignet de son ravisseur. Elle se recroquevilla, craignant qu’il ne la frappe, mais il se contenta de s’accroupir et de lui passer un bracelet à la cheville, qu’il referma d’un geste sec.
Malgré ses coups d’œil de biais, semblables à ceux d’un animal pris au piège, elle n’avait toujours pas été capable de voir à quoi il ressemblait.
– Je vous conseille de ne pas chercher à voir mon visage, sinon je serai contraint de vous supprimer, chuchota-t-il.
Elle se fit craquer le cou tant elle tourna vite la tête pour lui obéir.
Il se releva et alla au mur en tirant avec lui toute la longueur de la chaîne. Elle comprit qu’il l’attachait par cette chaîne au mur de sa prison. Il n’avait donc pas l’intention de la tuer – enfin, pas tout de suite. Elle vit sa silhouette – plus mince qu’elle ne l’aurait imaginé – disparaître par une ouverture sombre, au bas de laquelle elle commença à distinguer des marches. De longues minutes plus tard, il revint avec un plateau qu’il déposa à côté d’elle. Sur le plateau, il y avait une bouteille d’eau en plastique, un paquet de biscuits, une serviette de bain, une boîte de lingettes parfumées, ainsi qu’un bloc-note Rhodia neuf, un crayon, un taille-crayon, et un objet en laiton et en verre, surmonté d’une anse. Elle reconnut une lampe à pétrole.
Il sortit une boîte d’allumettes de sa poche, ôta l’ampoule de verre et alluma la mèche avant de replacer l’ampoule. Une lumière diffuse et clignotante se dégagea, éclairant d’un halo verdâtre les environs immédiats.
– Quand vous n’en aurez pas besoin ou que vous voudrez dormir, il suffira de couper l’arrivée d’air pour l’éteindre. Comme cela, dit-il en joignant le geste au chuchotement. Je vous laisse les allumettes.
Elle n’osait toujours pas regarder dans sa direction, mais elle jeta un coup d’œil à la lampe et aux autres objets du plateau.
–  Qu’est-ce que vous attendez de moi ? dit-elle.
–  Que vous écriviez clairement et lisiblement tout ce que vous savez sur les Dolf, si vous voulez revoir la lumière du jour. Sans rien oublier et sans mentir.
–  Mais je ne suis qu’une pièce rapportée, je ne sais rien sur les Dolf !
Il lui donna un coup sec de deux doigts tendus dans le plexus, et elle crut qu’elle allait mourir de douleur. Elle ne pouvait plus respirer, et un voile blanc tomba sur ses yeux. Il attendit patiemment que la douleur s’estompe.
–  Vous mentez, dit-il. Ne recommencez pas ou ce que je viens de vous faire vous paraître une douce plaisanterie à côté de ce que je vous infligerai. Et qui laissera des traces indélébiles sur votre jolie peau.
–  Oh Mon Dieu, gémit-elle.
Malgré la fraîcheur de la cave, elle était baignée de sueur.
– Mais si vous ne mentez pas, votre ordinaire s’améliorera et je pourrai même envisager de vous libérer. Regardez là-bas.
Il indiquait le fond de la cave.
–  Il y a un matelas, des couvertures, et une cuvette avec un robinet. Eau froide seulement. Il y a aussi un seau pour évacuer. Et du savon noir. Je vous apporterai également de quoi vous changer. Sous le sommier, il y a un conduit vertical d’un diamètre d’environ un mètre, fermé par une trappe en bois. Ce conduit se transforme en boyau qui mène à une rivière souterraine. Si je jette votre corps dans ce conduit, il ne réapparaîtra jamais. En tous cas pas avant des centaines d’années. Des spéléologues de l’an 3000 découvriront votre squelette et se poseront longtemps des questions sur la femme du deuxième millénaire, après avoir daté vos os au carbone 14.
–  C’est bon, j’ai compris, dit-elle. Pas la peine d’en rajouter, je crève de peur. Regardez, je tremble de partout. Vous n’avez pas honte de terroriser une femme ?
–  Non. Si vous mentez, je le saurai. Juste pour vous donner une petite indication, vous voulez que je vous dise de quel homme vous étiez la maîtresse soumise de 1996à 2006, date à laquelle il vous a définitivement quitté pour une maitresse plus jeune ?
–  C’est bon. Par quoi voulez-vous que je commence ? dit-elle.
–  Par ce qui vous vient à l’esprit. Tout ce que vous avez pu glaner au cours des années m’intéresse. Tout ce que vous avez vu, lu, entendu qui concerne les Dolf. Je sais que vous connaissez la plupart de leurs secrets. Pas tous, mais la plupart. Je ne parle pas de racontars, je veux des informations de première main. Justes. Vérifiables. A plus tard. Quand il se redressa, elle entendit son genou craquer. Il était sans doute moins jeune que son allure ne le suggérait. Il lui tourna le dos et partit. Elle perçut à peine le bruit de ses pas sur les marches de pierre, puis le silence…
Il devait y avoir au moins une porte entre elle et la liberté, mais cette porte était tellement éloignée, qu’elle ne l’avait pas entendue s’ouvrir, ni se refermer… Elle frissonna. Et une bouffée d’optimisme la saisit. Elle était vivante. On ne l’avait ni violée ni blessée. Il y avait de l’espoir.

 

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